La problématique de la diffusion est au cœur des enjeux des compagnies. Quel est son lien avec la production ? Comment peut-on encourager les séries et la diffusion du répertoire ? Quels sont les espaces de visibilité et comment s’organisent-ils ? Globalement, nous observons un déséquilibre dans les rapports entre artistes et programmateurs, car l’offre est plus forte que la demande.
Aussi, les artistes se débattent pour faire vivre leurs pièces, tandis que les programmateurs sont submergés de demandes et ne peuvent répondre à toutes les sollicitations. Un grand malaise s’installe entre sur-sollicitations des uns, et mutisme des autres, chacun étant pris dans ses propres enjeux et contraintes. Cette situation ne nous semble plus vivable, ni viable.
Nous avons besoin de recréer du lien, de la pertinence et de la rencontre. Comment pouvons-nous œuvrer ensemble pour préserver la diversité artistique ? Comment pouvons-nous ralentir la surproduction et trouver des solutions de diffusion plus saines et plus humaines ?

CONSTATS ET PROBLÉMATIQUES
SURPRODUCTION
Pour les compagnies, la diffusion des créations est un élément central dans leur équilibre, tant budgétaire qu’humain. Elle semble être la pierre angulaire de leur vitalité. Et pourtant, dans la réalité, il est difficile d’atteindre ce point d’équilibre.
Le décalage est immense entre l’investissement engagé sur une création et les retours en termes de diffusion et donc de visibilité. Aussi, ce manque de diffusion produit de manière paradoxale une situation de surproduction. Puisqu’on ne tourne pas, on crée à nouveau, comme une fuite en avant qui signe l’obsolescence programmée de nos propres créations. La plupart ne vivront qu’une seule saison et avec une moyenne de trois représentations.
(cf. étude de l’ONDA – La diffusion de la danse en France de 2011 à 2017 : https://www.onda.fr/ressources/etudes-publications/)
Aussi, d’un point de vue purement mathématique, il n’y a pas d’adéquation entre le nombre de créations existantes et les possibilités de les programmer. Ce déséquilibre produit une forte tension entre l’offre et la demande, qui se répercute malheureusement dans les relations entre lieux, programmateurs et compagnies. Et malgré tout, ce foisonnement créatif permet au public d’accéder à une grande variété des propositions artistiques.
Rencontres avec les programmateurs, visibilité et plateformes
Il est dit que les compagnies de la région AURA ont peu de visibilité dans leur propre région. Il nous semble manquer d’un pôle dynamiseur qui pourrait insuffler un nouvel élan à la promotion et la diffusion des œuvres des compagnies régionales, en lien avec le territoire et au-delà, au niveau national et international.
Les programmateurs sont submergés de propositions, de sollicitations, par une pluie de mails, d’invitations… Suivant les distances à parcourir ou le remplissage de leur emploi du temps, il n’est pas toujours possible pour eux de se déplacer pour découvrir le travail des artistes.
Pour faciliter la rencontre, il existe alors une multitude de plateformes ou de temps forts de visibilité, qui sont spécialement conçus pour propulser la diffusion des pièces, et mettre en lumière de façon significative les démarches artistiques. Mais ces formats, qui peuvent être des tremplins efficients, comportent aussi des risques financiers et stratégiques non négligeables pour les compagnies qui ont la possibilité d’y participer, parce que leur accès est difficile, parce qu’il y a une pré-sélection pour y participer, parce que le rapport au public y est souvent oublié. Beaucoup de ces événements jouent en huis clos. Un goût « d’entre-soi » se renforce aussi avec certains modes de mise en concurrence.
Lors de ces plateformes, les compagnies sont parfois invitées à adapter leurs pièces pour les faire correspondre aux formats imposés par l’organisateur. Ces adaptations génèrent une distorsion au regard de l’œuvre originelle. L’intégralité du travail n’est pas présentée. Il y a des choix à faire, qui vont parfois à l’encontre de la démarche. C’est un point de vigilance à noter, où chacun, producteurs et organisateurs a sa part de responsabilité.
A contrario, le Festival d’Avignon semble être le lieu de tous les possibles et de toutes les dérives en même temps. Comme l’auto-programmation, avec ses résultats heureux ou catastrophiques, comme des programmes composés par nécessité ou empreints de solidarité et de compagnonnage. Les investissements sont démesurés, clairement pas à la portée de tous, et les retours explosifs. Il n’y a pas de demi-mesure. C’est une réussite ou un échec cuisant. À l’obsolescence programmée on peut, en Avignon, ajouter un fonctionnement ultra capitaliste, voire darwinien au regard de la création.
Il nous apparaît alors, d’autant plus important de pouvoir dissocier la création des besoins du « marché ». Il y a une responsabilité partagée à offrir au public les œuvres telles qu’elles ont été créées, avec des formats adaptés à leur propos.
Formats des œuvres
Il est constaté que le format des pièces est un préalable lourd de conséquences quant à leur possibilité d’être diffusées.
Des formats « hors normes » de par leur durée ou de par leurs alliages (comme un programme composé par plusieurs créateurs ou simplement composé de différentes disciplines) ont du mal à trouver leur place. Ils jouent souvent dans un contexte donné, et deviennent ensuite des reliques, d’une expérience particulière rarement renouvelable.
Les raisons de ces difficultés à circuler sont multiples. Ces formats induisent nécessairement une autre organisation technique, parfois plus conséquente. Ils questionnent d’autres équilibres budgétaires, quand le plateau est partagé par plusieurs compagnies. Pour l’équipe chargée de la médiation avec le public, cela demande une approche différente pour trouver leur adhésion, face à leur polymorphie. Ces formats « trouble-fêtes » dénotent dans les lignes choisies par les programmations.
Ce constat révèle en filigrane l’homogénéisation globale des programmations, avec une habitude de durée et de contenu. Parfois certains axes de programmation sont perçus comme stigmatisants de la part des artistes. On observe une injonction à prioriser le quantitatif au détriment du qualitatif.
Et également nous constatons un manque d’adéquation entre les nouveaux formats de création et certaines très grandes infrastructures d’accueil qui ont entre autres des contraintes de jauge.
La standardisation des œuvres dans un format normé impose donc un carcan excluant et conservateur. Ce fonctionnement est en contradiction directe avec le rôle de l’artiste au regard de la création.
La question des publics au cœur des enjeux de diffusion
La place donnée aux spectateurs nous semble être également une question essentielle. Sans œuvre et sans public, il n’y a pas d’échange. Tout le dispositif de programmation tient dans leur mise en lien.
Cette mise en lien est à l’image de la montagne qui sépare les compagnies des publics et que les artistes doivent gravir inlassablement tel des Sisyphe…
Il est évident que les choix de programmation limitent ou permettent la diffusion des pièces. Les logiques qui gouvernent ces choix ne nous apparaissent pas toujours limpides. Cette difficulté à entrer en relation avec les programmateurs nous fragilise et fait de nos rares rencontres des moments décisifs et redoutés. Il est alors souligné cette nécessité de (re)tisser un lien de confiance avec ceux qui nous programment, puisque nous avons le même objectif, celui de faire parvenir les œuvres aux publics.
P E R S P E C T I V E S
Recréer du lien entre production et diffusion
Il a été observé dans beaucoup d’équipes, que le lien entre la production des œuvres et leur diffusion était souvent faible, voire quasi inexistant.
Comme un tissu effiloché qui manque de se rompre à chaque instant, apparaît alors l’urgente nécessité de réintroduire la question de la diffusion dès le montage de la production. Souvent lorsqu’on sollicite un coproducteur, on parle de la création à venir, d’enveloppes dédiées, et des modalités d’accueil dans le lieu.
Nous parlons de la stratégie de production, rarement de celle de diffusion. Si nous prenions le temps de cet échange, nous pourrions en amont, tisser des liens plus étroits entre les différents partenaires du projet. Il s’agit là de réengager la responsabilité de l’ensemble des coproducteurs au-delà de la création et d’être aussi accompagnés sur les questions de diffusion, comme de pouvoir prévoir ensemble un plan de tournée viable et rentable.
Nous notons qu’actuellement le rôle du coproducteur se réduit presque exclusivement à celui de financeur. Or, son implication territoriale, son investissement dans certains réseaux, son expérience, font de lui un acteur ressource riche pour la diffusion. Certaines expériences d’accompagnement dans ce sens existent déjà et sont efficaces. La notion de partenaire-colporteur apparaît comme un appui solide pour co-construire un cheminement serein de la gestation d’une œuvre jusqu’à sa diffusion. Il ne s’agirait plus seulement de financer une création, mais de réfléchir ensemble aux ressources “en nature” et en compétences que peuvent apporter les différents partenaires qui s’engagent à accompagner une création du point de départ jusqu’aux publics.
Vers une meilleure connaissance des projets des lieux
Des échanges plus approfondis entre compagnies et lieux devraient nous permettre de mieux problématiser ensemble les questions liées aux œuvres en lien aux publics dans un territoire donné. Échanger en toute authenticité, dans une écoute réciproque des réalités et besoins de chacun permettrait de mieux situer une œuvre (avec son propos artistique et son format) en relation aux axes de programmation des lieux d’accueil.
Dans cette idée d’un partage accru, il nous semble important de pouvoir s’orienter, pour la première prise de contact, vers des lieux qui semblent correspondre au mieux à nos projets. Parce que chaque lieu a ses spécificités : programmation annuelle, semestrielle, préférences de contact par mail ou par téléphone, calendrier de la programmation, fonctionnement interne, axes de programmation, cahiers des charges liés au conventionnement, esthétiques et disciplines privilégiées… Il nous semble important au niveau des compagnies de pouvoir facilement comprendre ces spécificités avant de nous adresser aux lieux.
Avant de saturer les boîtes mail des programmateurs avec des sollicitations inutiles, il serait bon, en amont, d’avoir accès à un document synthétique qui décrit le profil du lieu et de sa démarche de programmation. Serait-il envisageable de mettre en partage un tel document, accessible en téléchargement sur les sites internet de chaque lieu pour une utilisation professionnelle des compagnies ?
Artiste associé
En creusant cette notion de lien, nous dirigeons notre attention sur un dispositif déjà existant, celui de l’artiste associé.
De la même façon que nous avons cherché à déployer le rôle du coproducteur-accompagnateur, nous cherchons ici à intensifier le rôle de l’artiste associé en mettant en avant ses qualités « ressources » en termes d’inventivité et de savoir-faire.
En effet, sa compréhension fine des modes de création font de l’artiste associé un partenaire privilégié pour les lieux. Il peut par ses conseils et son expertise, apporter un éclairage différent et rassurant sur les gestations de projet d’autres créateurs. L’artiste associé pourrait ainsi revêtir un rôle d’ambassadeur. Par la relation de confiance qui se tisse avec la structure associée, pourrait-on imaginer le développement des co-programmations, voire des co-directions ?
D’une autre manière, pourrions-nous également inventer des endroits et des moments de discussions ouvertes entre lieux et compagnies ? Sans forcément viser une collaboration concrète et immédiate, nous pourrions faire place à des échanges détachés des enjeux des projets artistiques.
Solidarité entre compagnies
Les compagnies œuvrent bien souvent “en solitaire” dans leur travail de diffusion. Il s’agit d’en finir avec notre mise en concurrence.
Il faut faire de nos communs et de nos identités une véritable force collective pour la mise en place de nos propres stratégies de diffusion. Le rapport même au public en serait favorisé.
Des dates pourraient peut-être se mutualiser, des “parcours” pour les programmateurs seraient peut-être à imaginer, des créneaux partagés en Festival d’Avignon, des cartes blanches, des espaces de visibilité offerte par une compagnie reconnue à une compagnie en devenir, mise en partage croisée entre compagnies et leurs partenaires privilégiés sont autant de pistes à creuser…
Dans une logique de redistribution vertueuse, la notion d’être des ambassadeurs les uns pour les autres pourrait être un vrai sujet d’échanges. Nous constatons aujourd’hui plus encore le pouvoir énorme de l’entraide. Le potentiel de chacun de nos pairs nous nourrit par la complicité créée via nos temps d’échange. Ce regroupement même est une première initiative fructueuse qui pourrait donner lieu à d’autres initiatives originales pour favoriser la visibilité de nos œuvres.
Nous imaginons plusieurs possibilités de nous relier concrètement, par exemple, nous pourrions – entre autres – créer un espace d’échanges croisés entre deux compagnies et leurs partenaires privilégiés. En s’associant pour proposer à tour de rôle notre travail, nous pourrions profiter de ce temps commun pour échanger sur nos pratiques, pour questionner nos processus de création et de programmation. La mise en partage de nos connaissances pourrait permettre à chacun des acteurs concernés de se positionner et d’avancer dans sa démarche.
Programmation en série des œuvres chorégraphiques
Le concept de première partie, qui existe fortement dans le milieu de la musique, se concrétise parfois dans le milieu de la danse, ouvrant ainsi des espaces pour les compagnies émergentes. De quelle manière pourrions-nous implémenter davantage cette pratique en danse ?
Les créations tournent peu et ne sont souvent programmées que sur une seule date. Ce manque de visibilité pousse par exemple les compagnies à prendre le risque d’ouvrir leur générale aux programmateurs, pour avoir à minima deux temps possibles de rencontre.
Aussi, la date unique ne permet pas aux compagnies de s’installer dans un lieu, d’avoir le temps de rencontrer les équipes du théâtre, de mieux participer à des actions sur le développement des publics, de savourer et d’apporter de l’attention à ce temps de visibilité tant convoité. Sur une seule représentation, on est clairement dans un rapport de consommation : les compagnies n’ont que le temps de monter, jouer, démonter et elles sont déjà reparties.
Avoir un minimum de deux représentations serait une avancée considérable pour détendre l’enjeu de la diffusion et le développement des publics pour la danse. Quels dispositifs pourrions-nous inventer pour favoriser ces séries ?
Répertoire
Afin de désamorcer la surproduction de créations aux vies trop courtes, comment pouvons-nous favoriser la tournée du répertoire ? Comment contrebalancer la course à l’exclusivité ?
L’entre-soi, le manque de public, la pression des tutelles quant au remplissage, les demandes d’exclusivité… autant de problématiques qui réduisent les chances de programmation. Mais alors, pourrions-nous envisager de tisser des liens plus concrets entre la programmation d’une création et le répertoire dans lequel elle s’inscrit ?
Il nous semble important de noter ici, que la diffusion d’une pièce de répertoire ne se fait pas dans les mêmes conditions qu’une création. Quand une pièce est diffusée, longtemps après sa tournée initiale ou sa création, il est souvent nécessaire pour la compagnie d’avoir un accueil technique plus conséquent qui englobe un temps de reprise. La qualité de cet accueil et sa prise en compte est primordiale pour restituer fidèlement l’œuvre telle qu’elle a été créée. Pourrait-on imaginer au même titre que les aides à la création, des aides à la diffusion du répertoire ? Cela permettrait-il aux théâtres de les diffuser à moindre coup ?
Subventions
Comment les subventions pourraient-elles mieux aider à la diffusion ?
La création, par les institutions (DRAC, Région, Département), d’une aide spécifique à la diffusion, pourrait être la bienvenue. Une aide à la reprise du répertoire existe déjà, mais pas d’aide à la diffusion de ce répertoire. Dès lors, comment relier ces deux aspects : l’aide à la reprise et la diffusion de celle-ci ? Pourrait-on envisager, dans le montage financier, qu’une aide puisse être octroyée aux lieux qui prennent le “risque” d’opter pour la programmation d’une pièce plus ancienne ?
Dans l’ancienne région Rhône-Alpes, il existait une aide à la diffusion pour les théâtres qui se coordonnaient pour organiser une tournée régionale d’une même pièce sur 5 lieux différents. Cette aide avait l’avantage de pousser les lieux à programmer ensemble et de constituer une belle tournée pour les compagnies, même si elle pouvait générer parfois une certaine forme d’entre-soi.
L’exemple du département de la Haute-Loire a été cité : il propose des aides combinées afin de relier la production à la diffusion. Elle prévoit, en effet, une enveloppe dont 75 % du montant est dédié à l’accompagnement de l’artiste la première année pour la création. Les 25 % restants sont à destination des structures la deuxième année pour la diffusion du projet. http://www.hauteloire.fr/sites/cg43/IMG/pdf/accompagnement-projets-artistiques.pdf
Ainsi que celui de l’ONDA qui offre également des aides à la diffusion hors région via le dispositif TRIO.
Il y a sans doute d’autres dispositifs que nous ignorons. Il demeure toujours une part d’ombre sur toutes ces aides. Ces méconnaissances n’aident ni les compagnies, ni les lieux, à amorcer une stratégie de diffusion. Il serait peut-être utile de mettre en place un outil mutualisé, qui rendrait accessible, pour les lieux et les compagnies, l’éventail des aides existantes.
Prise en charge de la communication et droits d’auteur
Autour de la diffusion, il y a tout un travail de communication assez conséquent à charge des compagnies. D’une manière générale, il est d’usage de créer des “kits com” donnés au théâtre. Ils comprennent des textes, des photos, des vidéos, des teasers et même parfois des capsules vidéo, où le ou la chorégraphe doit s’adresser au public.
L’ensemble de ce travail est entièrement financé par les compagnies, puisque tout est livré “libre de droits”.
Cela pose, dans un premier temps, la question des moyens et des compétences (toutes les compagnies n’ont pas les ressources et les capacités à fournir ces éléments). Et dans un deuxième temps, cela pose la question du droit d’auteur des photographes et des vidéastes qui les alimentent. Si la compagnie peut éventuellement payer leur prestation, elle ne peut pas rémunérer les droits d’auteurs pour une exploitation qui n’est pas de son ressort.
La question du rééquilibrage de ce travail de communication est à mettre en partage avec les lieux. Comment pouvons-nous répartir le travail de façon plus judicieuse et adaptée aux moyens de chacune des équipes (lieux et compagnies) ?
Espaces de retours et d’échanges
Dans un rapport trop souvent mercantile à la diffusion, les compagnies ont davantage besoin de retours, de considération, d’échanges et de bienveillance pour faire avancer leur travail.
Nos échanges avec les publics se limitent souvent aux bords plateau, parfois un peu « abruptes » au sortir de la scène, qui ne rendent pas vraiment les uns et les autres très disponibles à la discussion, vu l’immédiateté de la rencontre. Nous nous demandons donc quels autres espaces (réels ou virtuels) seraient à inventer pour avoir leurs retours, dans une temporalité plus juste.
Nos échanges avec les programmateurs et avec tous ceux qui ont un fort pouvoir de décision dans la diffusion de nos œuvres, sont rares et souvent compliqués. Alors, comment avoir des retours construits de leur part concernant nos créations ? Les compagnies seraient intéressées à avoir accès, par exemple aux comptes rendus (les concernant) des plateaux DRAC, ainsi qu’à ceux des différents comités de subvention et de sélection des plateformes.
Les compagnies sont très en demande de ces retours car, même s’ils ne sont pas toujours faciles à entendre, ils renseignent sur le processus et les principes de réalités entre les différents enjeux de la création.
Préserver la création des enjeux quantitatifs de diffusion
Enfin, la création est de plus en plus conditionnée par un rapport économique et mercantile. Nombreux sont les chorégraphes qui se sentent obligés de penser d’abord au cadre de diffusion de leurs œuvres et non à l’artistique.
La petite forme pas chère, avec peu d’interprètes, techniquement légère et pouvant être diffusée partout semble être aujourd’hui la création rêvée tant pour les lieux qui l’accueillent que pour les compagnies qui espèrent enfin tourner. Les programmations mettent davantage en avant des spectacles tout public, pluridisciplinaire de préférence, qui fédèrent et qui remplissent les salles.
Face aux pressions économiques et politiques, comment résister et continuer à s’autoriser des espaces-temps sans « obligations de résultat » ? Comme des laboratoires ouverts par exemple, qui soient considérés comme de véritables espaces de rencontre avec le public.
Comment ne pas créer pour diffuser à tout prix, mais créer par nécessité, en restant attentifs à nos manières de faire ? Comment s’extraire du système de production de l’objet afin de donner davantage d’importance à l’être ? Comment inventer d’autres espaces de programmation dans les théâtres ? Comment favoriser les expériences qui ne sont pas immédiatement « rentables » ?
Existence des oeuvres en dehors du circuit de diffusion
Et si nous ne cherchions pas, à tout prix, à atteindre cet équilibre si périlleux entre investissements et retours ?
Et si nous posions la question de la rareté, de l’éphémère ? Est-il possible aujourd’hui de créer des œuvres pour un seul temps, un seul lieu, un seul public ? Comment pourrions-nous alors organiser la production de telles œuvres ? Artistiquement et humainement, quelle satisfaction pourrions-nous retirer d’une telle expérience ?
Il faudrait remettre complètement en question le rapport actuel de diffusion et plus largement le rapport à l’œuvre, à la place de l’artiste, à la trace… Les œuvres doivent-elles nécessairement être vues par le plus grand nombre ? Une œuvre peu vue est-elle inexistante ? Quel rapport à l’œuvre finie et donc diffusable ? Quelle place pour la performance, l’œuvre évolutive qui se construit au fur et à mesure des temps de visibilité ?
La diffusion, tout comme la création, pourrait-elle être polymorphe ?
U T O P I E S
Et si nous pouvions associer des artistes ou compagnies à la programmation des théâtres et des festivals ?
Et si nous pouvions transcender la problématique de la durée de l’œuvre et du format ? Si nous pouvions transcender celle du lieu de programmation trop standardisé, qui limite la créativité ?
Et si nous pouvions prioriser les séries de dates plutôt que les dates isolées ? Si nous pouvions co-construire un regroupement de dates par région ?